Situé boulevard Raspail, le Lutetia est un hôtel, créé au début du XXème siècle. En 1940, il devient le quartier général de l’Abwehr, le service de renseignement et de contre-espionnage de l'état-major allemand.
A la libération, le Ministère des prisonniers de guerre, déportés et réfugiés, dirigé par Henri Frenay est chargé d’organiser le retour de près de 2 millions de Français déportés : prisonniers de guerre, résistants.tes, Juifs,…
Dans l’urgence, les 350 chambres de l’hôtel Lutetia sont réquisitionnées sur ordre du général De Gaulle. Sabine Zlatine, surnommée la « dame d'Izieu », assure l’organisation du centre d'accueil.
Dans un premier temps, le centre est « exclusivement réservé aux déportés politiques, hommes et femmes […] » mais avec l’arrivée des premiers déportés le 26 avril 1945, ce principe doit être revu. Rapidement, les volontaires sont débordés face à l’afflux de réfugiés. Des équipes médicales, mais aussi des cuisinières et des militaires sont mobilisés 24h/24 pendant plusieurs semaines. De plus, des familles viennent quotidiennement à l’hôtel rechercher des informations sur des proches déportés.
LE LUTETIA

AFP Hôtel Lutetia
« A l’arrivée à la gare de l’Est, un autobus nous a conduits à l’hôtel Lutetia. A l’extérieur et dans le hall, il y avait beaucoup de monde agglutiné autour de panneaux ou étaient épinglés des photos d’identité. C’étaient les familles des déportés qui venaient aux nouvelles. Dès qu’ils nous ont vus - et nous étions facilement reconnaissables avec nos mines particulières, nos têtes rasées malgré quelques cheveux qui avaient poussés en brosse, et notre veste de déporté -, ils nous ont demandé : « N’auriez-vous pas connu mon fils, mon père ? » Ils nous montraient une photo, nous disaient un nom et un prénom. Pour leur laisser un peu d’espoir, nous leur avons dit que, dans chaque camp, nous étions plus de dix mille et que nous n’en connaissions que quelques-uns, que tous les rescapés n’étaient pas encore rapatriés, qu’il faudrait peut-être encore un mois ou deux pour que rentrent les derniers survivants. […] Nous avons été interrogés par la sécurité militaire et il nous a été dit que nous ne pouvions rester que trois jours à l’hôtel Lutetia. Ensuite, il nous faudrait partir, tel était le règlement. »
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Marcel Bercau, Auschwitz Lutetia, Pygmalion, 2008